dimanche 27 janvier 2013

Insaisissable, tome 1

Insaisissable, tome 1: Ne me touche pas, Tahereh Mafi, ed. Michel Lafon 

Au départ, j'étais très sceptique par rapport à ce livre. Le résumé ne laissait pas beaucoup de place au mystère et j'imaginait déjà une terrible histoire d'amour sur fond de monde post-apocalyptique. Michel Lafon a su, une fois de plus, me prouver qu'ils savaient repérer les bons auteurs. 

Juliette est enfermée dans la cellule d'un asile depuis 264 jours. On la traite de monstre depuis sa plus tendre enfance, et pour cause: elle tue quiconque la touche, sa peau est un vrai poison. Désespérée, soumise et aux portes de la folie, l'héroïne écrit ses pensées plus poétiques les unes que les autres dans son carnet, dernier vestige de sa raison. Elle n'a plus parlé à un humain depuis son enfermement et à presque oublier à quoi ressemblait un homme jusqu'à ce qu'Adam la rejoigne dans sa cellule. Adam qu'elle est persuadée de connaître, sans parvenir à se rappeler où elle aurait pu le rencontrer.

Ce qui choque le plus avec cette lecture: c'est le style de Tahereh Mafi. Il est poétique, lyrique, mature, il donne un tel souffle de cohérence au roman qu'on en est soulagé. Fini les métaphores surfaites et les héroïnes  presque niaises qui ne peuvent s'empêcher de se fouetter mentalement à la simple idée de toucher la main du garçon de leur rêve. Ici il est question de désir, justement parce que Juliette ne peut pas être touchée. Un désir fort et adulte qui n'en reste pas moins aussi rêveur que possible pour un premier amour. La maturité se lit également dans la réaction des personnages - personnages bien encrés dans l'histoire et qui ont un caractère bien déterminé, chacun - face aux évènements qui leur tombent dessus ou encore face aux réactions d'autres personnages. Le monde dans lequel vit Juliette n'est pas tendre, et sur fond d'écologie (sans morale trop vexante) et de conte sadique où les morts sont presque plus chanceux que les vivants, l'auteur nous livre un roman digne d'intérêt qui relève le genre de la fantasy pour jeunes adultes. Tahereh Mafi est une auteur à suivre, et de très près.

En bref: Un excellent début pour une trilogie, qui donne envie de continuer.
Le moins: Un trio amoureux qui ne laisse pas beaucoup d'imagination.
Le mieux: Un style poétique qui laisse sans voix dès la première page.

Bonus: Pour Shatter Me (titre d'origine de Ne me touche pas), les couvertures sont plus belles les unes que les autres, j'en ai repéré plusieurs qui valent le coup d'oeil!




mardi 15 janvier 2013

L'Histoire de Pi

L'Histoire de Pi, Yann Martel, ed. Folio.

A première vue, L'Histoire de Pi est un conte pour enfant. A première lecture, ce n'est pas un conte mais un roman initiatique, et à la fin de la première lecture, on en reste bouche bée. 

Piscine Molitor Patel tient son nom d'une piscine française, pourtant cet adolescent est bel et bien indien, alors il se fait appeler Pi, ça va plus vite, et ça sonne plus mathématique que natation. 
La famille de Pi a de plus en plus de problèmes financiers, alors on décide d'emballer toutes ses affaires et de prendre le premier bateau pour le Canada, sans oublier les animaux! Oui les animaux, car la famille de Pi est propriétaire d'un zoo à Pondichéry. Alors on range les singes, les zèbres, les oiseaux multicolores et tout le reste, dans leurs cages et on navigue tranquillement sur l'océan.
Mais les nombreux dieux de Pi n'étaient pas avec lui cette nuit de tempête: le bateau sombre, la famille sombre, les animaux sombrent et Pi se retrouve seul sur son canot de sauvetage avec Richard Parker, le superbe tigre du Bengale du zoo, pour compagnon de voyage. 

Si ce roman avait été un fait divers, personne n'y aurait cru, qui pourrait survivre au beau milieu de l'océan avec un tigre adulte? Et pourtant, plus les pages se tournent et plus l’invraisemblable devient réaliste. Pi et Richard Parker ne peuvent pas devenir amis, on apprivoise pas un tigre, mais ils peuvent se lier l'un à l'autre.

Yann Martel nous livre ici un presque-conte. Une histoire qui touche, qui rend fou, malheureux et qui donne du rêve. Son héros, le pauvre Pi, parle comme un poète décalé, et l'océan prend peu à peu l'apparence d'une immense pièce de théâtre où se dévoilent les plus beaux tableaux marins jamais rêvés. L'Histoire de Pi est bien plus qu'un roman, c'est une oeuvre colorée, par l'espoir du naufragé à qui il arrive des aventures irréelles. 

En bref: C'est dur, vif et ça tient du merveilleux. 
Le point négatif: Il faut un temps d’adaptation avec la manière de parler de Pi, c'est vraiment très déstabilisant au début.
Le point positif: J'aime les tigres... les lions... les félins en général... si, ça compte!


Un coup d'oeil sur... L'Odyssée de Pi


Sortie en décembre 2012, L'Odyssée de Pi nous donne une vision mélancolique et fantastique du roman de Yann Martel. Ce qui peut être pris comme un conte pour enfants à voir en famille n'en est pas un. Les plus jeunes ne comprendront certainement pas tout, mais ils pourront être émerveillés par le spectacle qu'offre la mer, plusieurs fois dans le film. Les plus âgés (surtout ceux qui auront lu le livre) seront soulagés de constater qu'ici, Pi, parle normalement et à l'air un peu moins lunatique que dans le livre. Enfin, les mauvaises langues pourront constater que L'Odyssée de Pi est certes apprécié des enfants mais que le film s'adresse avant tout à un public mûr et averti qui comprendra, avec ou sans aide, que le rêve peut parfois cacher la plus atroce des réalités.
Un jeu d'acteur convainquant, des décors époustouflants, et aucune longueur - ce qui est un très bon point pour ce genre de film -, ce film est à voir au moins une fois, vous ne serez jamais déçu.

Les noces clandestines

Les noces clandestines, Claire-Lise Marguier, ed. La brune

J'ai eu le plaisir de lire en avant-première le nouveau roman de Claire-Lise Marguier, et je dois dire que le résultat a été à la hauteur de l'attente!

Les noces clandestines commencent de manière abrupte et se terminent de manière abrupte. 
Un professeur d'histoire qui vivait avec sa grand-mère se retrouve avec une maison en héritage sur les bras. Il  s'occupe, fait des travaux, vit sa petite vie de professeur quand une idée illumine ses journées: et si il enlevait une âme pure pour l'enfermer dans la chambre cachée qu'il a aménager dans la cave? 
La chambre rouge a besoin d'une âme exceptionnelle, une de ces âmes qui vous obligent à l'adorer à la folie, et notre cher professeur d'histoire part immédiatement à sa recherche dans les rues de sa ville, sans la trouver. Trop fade, trop niaise, pas assez lumineuse. Rien ne va. Jusqu'à ce qu'il rencontre Joël, adolescent vivant dans la rue qui a toutes les qualités requises pour vivre dans la chambre rouge. Joël est donc enfermé, et une drôle de relation va débuter entre eux. La victime n'est peut-être pas celle que l'on croit.

Claire-Lise Marguier nous avait laissé avec une histoire poignante entre adolescents, le faire ou mourir. Les noces clandestines est un roman plus sombre, plus mature et plus fou. Ici l'adulte n'a pas de raison, et la jeunesse en profite bien. Le jeu entre les deux personnages ressemble à tout sauf à une relation de criminel-victime, ou alors dans le mauvais sens. C'est presque une danse, un duel sensuel et nerveux où les choses sont dites sans être prononcées. Ce huit-clos dans la chambre rouge nous coupe du monde et de ce qui se produit à l'extérieur. Le temps d'une lecture, on se retrouve spectateur d'une cohabitation difficile et excessive entre un geôlier et son prisonnier. On est pris dans l'histoire et le style de plus en plus musical et mélancolique de l'écrivain. 
Avec le faire ou mourir, Claire-Lise Marguier montrait qu'elle était digne d'être retenue parmi une longue liste d'auteurs, avec Les noces clandestines, elle prouve qu'elle est capable de changer de registre sans en perdre sa plume. Elle vient de créer un univers auquel on adhère sans se poser de question. La chambre rouge n'est que le début d'une belle aventure dans le monde des livres.

En bref: Un deuxième roman qu'on attendait avec impatience et qui nous laisse pantois... et très envieux de lire le troisième roman.
Le positif: L'ambiance poétique et légèrement dérangée du roman qui nous plonge dans la chambre rouge avec ravissement.
Le négatif: Le négatif, dans cette histoire, c'est que j'aime tellement cet écrivain que je suis tout bonnement incapable de trouver un point négatif. Dur pour une râleuse professionnelle.

Sortie prévue le 6 février 2013.



vendredi 11 janvier 2013

13 petites enveloppes bleues


13 petites enveloppes bleues, Maureen Johnson, collection Pôle fiction, ed. Gallimard Jeunesse.


Ginny est une adolescente américaine tout à fait banale, sa tante Peg l'est moins. Du genre à "partir en cavale", elle lègue 13 enveloppes bleues à sa nièce adorée et lui demande de parcourir l'Europe pour elle, lui donnant l'ordre de n'ouvrir les enveloppes qu'une fois que les missions attribuées au fil du voyage seront accomplies. Ginny part donc avec juste son sac et ses enveloppes à la découverte de Londres, Rome, Paris, ou encore Amsterdam. 

13 petites enveloppes bleues est un bon roman jeunesse, l'histoire de base est intéressante et les aventures de Ginny nous font passer de l'humour au drame et on se prend d'affection pour cette jeune fille qui, plutôt du genre casanier, se retrouve perdue en plein milieu des plus vieilles grandes capitales du Vieux Continent. D'un style clair, Maureen Johnson sait comment donner envie au lecteur de continuer sa lecture sans  en faire des tonnes, et ça repose de certains autres auteurs jeunesse qui cherchent absolument à faire de belles métaphores sur la pluie, le beau temps ou encore le métro. On s'attache à l'héroïne et à sa drôle de tante qui restera pleine de surprises jusqu'à la fin. 

En bref: Un livre qui permet de passer un bon moment, sans toutefois nous donner une impression de faim assouvie à la dernière page.
Le négatif: une fin qui semble bâclée.
Le positif: un livre qui donne envie de voyager.